Bertrand de Rouville

22/03/2021 - 10/05/1983


10 mai 2021

Le 10 mai était l'anniversaire de Bertrand, dont le compteur s'est arrêté à quelques semaines de ses 38 ans. Pour moi, son petit frère, impossible de ne pas me dire que dans trois ans normalement je serai enfin plus vieux que lui. Amère revanche.

Il y a quelques semaines, donc, officiellement le 22 mars 2021, s'arrêtait sa vie comme nous le craignions quotidiennement depuis dix ans; la seule inconnue était la cause directe de sa mort à venir.

Pour moi, l'annonce se fit donc sans grande surprise ni grande douleur. Une part de moi pense encore que ça ne se dit pas, mais les maladies longues - et la dépression et l'alcoolisme dont souffrait Bertrand n'en sont pas des moindres - font ça, parfois, à l'entourage. J'ai fait le deuil de mon frère de son vivant, étant sûr un jour de décembre 2019, alors qu'il sortait de notre maison de Vabre, que c'était la dernière fois que je le voyais. La vie nous a finalement offert une année de plus, et un Noël suivant plus calme que les précédents, mais je savais que ce n'était qu'un répit, quand d'autres autour de lui gardaient encore espoir. J'avais vu depuis longtemps son corps s'empâter, ses gestes s'alourdir, son visage se couvrir des cicatrices de ses chutes et bagarres et, pire que tout, ses yeux s'éteindre.

Avec certaines personnes, il vaut mieux tourner les pages de leur album à l'envers, d'une fin qu'il ne faut pas oublier, vers un début plus doux dont il faut se souvenir. Je retrouve progressivement la lueur de mon frère, sa beauté, son sourire - que je ne voyais plus - après ses années de lutte et de souffrance. Je retrouve les bons moments oubliés, je pose mes yeux différemment sur sa vie, je réapprends à être tendre avec lui. Je me demande aussi entre quelles photos il a commencé à aller mal. Je refuse de réécrire sa vie en n'en gardant que le positif, mais il faut aussi dire qu'il n'a pas été que sa fin.

Et qu'il a aussi su être, aux bons moments, un bon grand frère.

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